« Je vois le jour dans un petit village d’Irlande, d’un père Irlandais et qu’une mère Américaine venue tout droit de Miami. Je fus informée de l’histoire de mes parents lorsque j’avais tout juste six ans, et ma mère m’apprenait qu’elle était venue en Irlande pour une affaire de succession gérée par le cabinet d’avocat dont elle était une des collaboratrices sur les plages ensoleillées de Miami. Comme pour me narrer une histoire digne d’une princesse, elle m’apprit que follement tombée amoureuse de mon père, elle décidait de demeurer en Irlande avec lui, et de l’épouser aussitôt que cela lui serait possible. Quand on pense qu’en réalité mon père avait renversé son café sur le tailleur de ma mère, et que cette dernière avait presque hurlé à la mort devant cette catastrophe, l’histoire de la princesse semble tout de suite exagérée. Néanmoins, elle demeura en Irlande et l’épousa quelques mois plus tard… c’est ce qu’on appelle un coup de foudre, certainement. C’est par ce hasard inimaginable que mes parents en vinrent finalement à procréer et que ma mère donna naissance à une petite fille, moi.

J’ai passé une enfance que je qualifie de banale. Cependant j’ai été choyée comme une princesse, et j’ai eu tout ce que je voulais sans avoir à le demander. Autrement dit, je n’ai jamais usé de caprices pour obtenir ce que je souhaitais, j’avais absolument tout. A quoi bon se fatiguer et réclamer lorsqu’on a d’office ? Rien de plus facile. J’étais une petite fille sage, et calme dont les parents pouvaient être fiers, mais rien de plus exaltant que cela.

− Cassie ! Où étais-tu ?
− Comme si j’allais te le dire…
− Tu… sens l’alcool ?
− Qu’est-ce que ça peut te faire ?
− Tu as seize ans, et tu es ma fille !
− Et alors ?

Sage et calme dont les parents pouvaient être fiers ? Oui, lorsque j’étais une enfant qui acceptait de jouer le rôle de la petite fille sage et polie… Un léger détail a changé depuis, j’ai grandi et je n’ai aucune envie de faire croire que je suis ce que je ne suis pas. Le petit ange que j’étais s’est transformé en une démone dont l’imagination ne tarie pas pour faire hurler ses parents. Une crise d’adolescence ? Pas tellement, je voulais simplement être moi, et faire ce qui me plaisait quand cela me plaisait. C’est comme ça qu’ont commencé les soirées se terminant de plus en plus tard, et après avoir essayé l’alcool, je me mettais aux cigarettes, puis finalement à la drogue et au sexe. Mes parents perdirent pieds devant le nouveau comportement que je leur servais, et je n’étais pas prête de m’arrêter en si bon chemin. La liste des bêtises que j’ai pu faire est longue… très longue.

Etais-je tout à fait hors de contrôle ? Pas tant que ça, non. Qui pouvait donc bien arrêter mes élans d’inconscience si ce n’était Alex ? … Alex ? Mon meilleur ami, le seul véritable ami que j’avais à dire vrai. Combien de fois a-t-il arrêté mes folies passagères ? De très nombreuses fois, je dirais, je suis incapable de les compter, ou de m’en rappeler. Tandis que je continuais avec mon comportement de rebelle, mes parents divorçaient, excédée par leurs désaccords systématiques à mon sujet. Autrement dit, j’étais responsable de leur divorce, et le pire là-dedans ? Je m’en foutais. J’obligeais mes parents à me laisser choisir le parent avec lequel j’allais vivre, et ce fut mon père, afin de rester en Irlande, alors que ma mère repartait pour Miami.

− Arrête Cassie, n’y va pas.
− Ca va être marrant, tu peux venir toi aussi.
− C’est surtout dangereux. Tu ne voudrais pas rester là où c’est sûr pour une fois ?
− Hé Cassie, ramène-toi, on y va !
− Ton copain t’appelle.
− Aller, viens.
− Je viens pas Cassie, si tu veux y aller, ce sera sans moi…
− …Ok…

Il aurait mieux valu pour moi que j’écoute Alex pour une fois. Pourquoi étais-je incapable de me fixer des limites ? Je n’en faisais qu’à ma tête, et puisque mon père me laissait faire, je continuais… Pourquoi n’écoutais-je pas Alex ? Etais-je influençable au point de laisser les autres décider pour moi et de ne pas choisir celui qui m’était préférable ? Ce soir-là j’avais fait la pire erreur de toute ma vie… Au lieu de me garantir de rentrer chez moi, j’avais choisi de suivre Thomas, et j’avais failli en mourir.
Tom et moi avons eu un accident en nous amusant bêtement…

J’ouvrais difficilement les yeux, en ayant mal partout… je remarquais que de nombreux tuyaux me relier à des machines et des poches de différents liquides. Je tentais de bouger, de me redresser et je gémissais.

− Arrête de bouger, tu vas faire sauter des points.
− Alex ?
− Ton père est parti chercher ta mère à l’aéroport.
− Tom va bien ?
− Ouais, il s’est tire dès que le médecin lui en a laissé l’occasion. Apparemment il n’est pas aussi soucieux que toi…
− Tu m’en veux ?
− Oui.
− Alex…
− Ferme-la.

Je sortais de l’hôpital deux mois après mon accident, et je devais déjà aire mes valises pour prendre l’avion avec ma mère. Sur le chemin qui les menait à leur fille souffrante, ils avaient finalement pu tomber d’accord sur un point à mon sujet : j’irais à Miami avec ma mère, m’éloigner de toutes les personnes que je côtoyais était préférable pour ma survie. Ce qui signifiait que je perdais aussi la seule personne qui était un tant soit peu soucieux de mon bien-être… Alex. Je croyais qu’il ne me pardonnerait jamais d’avoir été aussi idiote, mais de toute évidence j’avais eu tort puisqu’il était finalement venu, qu’il m’avait passée une chaîne en argent ornée d’une bague autour du cou, avant de me prendre dans ses bras et de me murmurer « T’es à moi pour toujours, Cassie. » …

Miami, aujourd’hui… Six mois que j’ai arrêté toute bêtise, six mois que je joue la petite fille sage qui n’a pas un passé de délinquante juvénile, et d’accidentée de la route… Six mois que je mens en somme…